Les enjeux défense des élections européennes
Par Eric Maurice - 75e SN (PolDef)
La défense et la sécurité seront au coeur du prochain cycle politique de l’Union européenne, qui s’ouvre cette année avec les élections européennes (du 6 au 9 juin) et la mise en place d’une nouvelle Commission européenne. La guerre en Ukraine et la menace russe, ainsi que les incertitudes qui pèsent sur l’Otan et l’engagement européen des Etats-Unis, incitent les Etats membres de l’UE à accroitre leurs capacités opérationnelles et développer une industrie de défense plus européenne. Mais dans un domaine où les visions stratégiques et les intérêts nationaux restent très différents, le chemin de l’Europe de la défense reste difficile malgré la convergence nouvelle des objectifs politiques. Voici cinq enjeux-clés.
Mettre en oeuvre la Stratégie industrielle de défense
Présentée par la Commission européenne début mars, la Stratégie industrielle de défense européenne (EDIS selon son acronyme en anglais) fixe plusieurs objectifs à l’horizon 2030 comme faire monter à 35 % la valeur des échanges commerciaux intra-UE dans le marché européen de la défense; et acquérir au moins 40 % des équipements de défense de manière collaborative. D’ici à 2035, 60% des budgets nationaux pour les acquisitions d'équipements de défense devraient être consacrés à des achats dans l’UE.
Le projet de stratégie fait cependant face à des réticences des Etats membres et de l’industrie, qui ont notamment exprimé des réserves sur la proposition de la Commission de centraliser les passations conjointes de marché, à la manière de ce qu’elle a fait pour les vaccins contre le Covid-19, ou créer un mécanisme européen de ventes militaires.
Financer la montée en puissance
Le programme européen pour l'industrie de la défense (EDIP selon son acronyme en anglais), présenté en même temps que l’EDIS, prévoit le déblocage de 1,5 milliard d’euros de 2025 à 2027 pour soutenir les investissements dans la défense et l’industrialisation de produits développés dans le cadre du Fonds européen de la défense, mis en place en 2021 et doté de 7,9 milliards d’euros. Même si la Banque européenne d’investissement (BEI) a désormais pour mandat d’aider au financement des biens à double usage et des PME et jeunes pousses du secteur de la défense, les sommes disponibles sont bien évidemment insuffisantes au regard des enjeux, et la question du financement du développement de la défense européenne devra être rapidement tranchée.
Le commissaire européen à l’industrie, Thierry Breton, a proposé de créer un fonds de défense de 100 milliards d’euros mais sans détailler les moyens de le financer. L’Estonie, soutenue par la France et la Pologne, a lancé l’idée d’un emprunt européen de 100 milliards, auquel s’opposent pour l’instant des pays comme l’Allemagne et les Pays-Bas.
Le Conseil européen, qui réunit les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE, a demandé à la Commission d’étudier d’ici juin « toutes les possibilités de mobilisation de fonds ». Le programme stratégique 2024-2029 qui sera adopté fin juin par le Conseil européen, fournira une première indication de son niveau d’ambition, et le débat devrait se poursuivre dans les mois qui viennent.
Un commissaire européen à la Défense ?
Pour mettre en oeuvre la stratégique d’industrie de défense, la présidente sortante de la Commission et candidate à sa réélection, Ursula von der Leyen, a proposé la création d’un poste de commissaire à la Défense. L’idée est défendue par sa formation politique, le Parti populaire européen (PPE), qui devrait rester le premier groupe au Parlement européen, et l’ALDE, les libéraux européens alliés d’Emmanuel Macron au niveau européen. Mais elle ne fait pas consensus, ne serait-ce que parce que son périmètre potentiel reste flou.
L’action de Thierry Breton a démontré qu’un commissaire spécifique n’est pas nécessaire pour prendre des initiatives, d’autant qu’il est déjà épaulé par une direction générale de la Commission dédiée, la DG DEFIS (industrie de défense et espace). De plus, le traité sur l’Union européenne confie déjà la politique de défense au Haut représentant pour l’action extérieure, limitant par avance les compétences d’un éventuel commissaire à la Défense.
De fait, en cas de création d’un tel poste, le portefeuille le plus probable couvrirait l’industrie de défense à laquelle s’ajouterait des questions plus règlementaires comme la mobilité militaire et la TVA.
Définir la complémentarité avec l’Otan
L’Alliance atlantique était jusqu’à présent le cadre principal, voire unique, dans lequel les Etats membres de l’UE inscrivaient leur politique de défense et de sécurité. Aujourd’hui, 23 des 32 Etats membres de l’Alliance sont des membres de l’UE. La déclaration commune signée en janvier 2023 réaffirme que les rôles des deux organisations sont « complémentaires, cohérents et se renforçant mutuellement ». Mais avec le développement, même incertain, d’une Europe de la défense, se pose la question de l’évolution de cette relation, surtout dans l’hypothèse d’un retour de Donald Trump au pouvoir.
Ainsi, alors que l’Otan définit depuis toujours les standards techniques qui garantissent l’interopérabilité des forces, son secrétaire général Jens Stoltenberg a mis un garde contre les projets européens d’harmonisation inclus dans l’EDIS. De même, les actions mises en place au niveau européen, en particulier dans le cadre de la Boussole stratégique adoptée en 2022, dans des domaines de plus en plus centraux comme la cybersécurité et plus généralement les menaces hybrides nécessiteront aussi à terme un travail de coordination plus étroite.
L’hypothèse d’une concept stratégique
Longtemps sans objet en raison de la centralité du lien transatlantique dans la vision stratégique des Européens - les oppositions au concept d’autonomie stratégique en attestent -, l’idée d’une définition par les Européens de leur propre identité stratégique et des moyens de la mener n’apparaît plus si abstraite. La nécessité de se préparer à une conflictualité croissante pour le long terme, les incertitudes concernant l’Otan et le développement envisagé des coopérations industrielles européennes créent les conditions d’un débat. La France, principale armée et seule Etat doté de l’UE, l’a ouvert, en particulier récemment lors du discours de la Sorbonne du président Macron. Les événements des prochaines années, et le leadership européen qui se mettra en place après les élections de juin, pourraient l’accélérer.
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